Avec Les Pauvres

AVEC LES PAUVRES

Avant d’aborder ce sujet, je souhaite rappeler la définition de la pauvreté que donne le dictionnaire : état d’une personne qui manque de moyens matériels, d’argent, insuffisance de ressources. Insuffisance matérielle ou morale.
 

J’aime insister sur le fait que je n’ai pas côtoyé la pauvreté uniquement dans les pays pauvres, dans certains pays développés que je ne nomme pas pour rester impartial, la pauvreté intellectuelle interpelle. Deux faits marquants : l’utilisation de l’informatique comme principal moyen de communication engendre de graves problèmes d’expression orale, le taux de suicide dans certains pays développés (Japon, Canada…) est alarmant ! Parfois, les discussions étaient beaucoup plus intéressantes et enrichissantes dans les pays pauvres que dans les pays riches ! Avec mon vélo, mes sacoches, et toutes les expériences que j’avais vécues, je me sentais beaucoup plus riche que les propriétaires de somptueuses villas ou voitures. J’étais pauvre matériellement mais très riche spirituellement : Ma vie était riche !

Je pense que la pauvreté vient des besoins que l’on se crée ou dont on ne sait se passer.

En général, à travers le monde, l’accueil dans les pays pauvres a été extraordinaire : chaleureux, généreux, hospitalier, convivial…. Le vélo me semble un fabuleux atout pour aller à la rencontre de ces peuples qui vivent chichement, d’une manière humble. Les premiers mois, en Amérique Latine, il m’était bien difficile d’accepter tout ce que donnaient ces pauvres gens. En effet, mes parents m’avaient éduqué à ne pas “abuser” ou “profiter” de la générosité des gens qui possèdent peu. Mais peu à peu, au fil du voyage, j’ai découvert qu’il s’agissait d’un plaisir pour eux, de beaucoup donner. M’ouvrir l’esprit et oublier les règles que m’avait dictées mon éducation m’a pris quelques mois. J’ai sans doute en refusant l’hospitalité, vexé quelques hôtes qui souhaitaient me faire plaisir ! J’avais bon nombre de préjugés sur la pauvreté : j’assimilais pauvreté et saleté, je pensais que les pauvres étaient voleurs et malheureux. Au fil des rencontres, des nuitées passées dans des familles, j’ai appris et compris bon nombre de choses.

En Afrique, les contrastes étaient saisissants d’un pays à l’autre, notamment entre le Soudan et l’Egypte. Les Soudanais vivent dans de grandes demeures construites souvent en terre ; ils sont pauvres mais donnent beaucoup et ont un sens inouï de l’hospitalité et une hygiène remarquable vu les conditions dans lesquelles ils vivent. Entre parenthèses, ce n’était pas l’image que m’avaient donné les médias avant mon départ ; le Soudan étant plutôt réputé pour abriter des extrémistes religieux. Du côté égyptien, les habitations sont plus modestes et construites en béton (dans les villes), l’hygiène laisse fortement à désirer et les toits (plots) servent de dépôts d’ordures ! L’éducation influe sans doute beaucoup sur l’hygiène, toutefois j’ai remarqué que les peuples de montagne étaient plus propres et respectueux de l’environnement, peut-être est-ce le fait qu’ils vivent dans des conditions plus difficiles et font donc preuve de plus d’humilité. A ce sujet, je me souviens d’une nuitée passée dans une famille dans le sud ouest de la Chine, au bord du lac Karakul, à près de 4000 mètres d’altitude au pied du Mustagata, un sommet himalayen culminant à plus de 7000 mètres. J’avais la possibilité de camper mais les nuits étaient glaciales à ces altitudes. A la recherche d’une pension, j’ai rencontré un couple d’origine Kirguise qui vivait dans une toute petite maison construite en terre et en pierre. Ils m’ont invité à passer la nuit dans leur humble demeure ; ils possédaient très peu de biens mais tout était très ordonné. Nous avons passé la soirée à essayer de converser à base de quelques mots d’anglais et de dessins, au coin du feu, alimenté à la bouse de yack séchée (région désertique).

On assimile parfois pauvreté et vol : je n’en suis pas du tout convaincu notamment dans les pays où la population (culturellement) ne désire pas plus, se satisfait du minimum. Je n’ai pas spécialement été plus volé dans les pays pauvres. De même, mettre en relation pauvreté et malheur est, à mon avis, inexact, tout comme assimiler la richesse et le bonheur. Penser de la sorte demande une très grande ouverture d’esprit : admettre tout simplement que nos références ne sont pas toujours les bonnes et ne pas vouloir obstinément inculquer nos valeurs aux autres. Je ne vais pas me mettre à philosopher sur le bonheur, je le ferai dans les prochains chapitres.

Je ressens tout simplement, que désirer sans cesse rend plus malheureux. A mon avis, les pauvres les plus heureux sont ceux qui n’ont pas encore adhéré au “système du toujours plus” (consumérisme), ceux qui savent se contenter de ce qu’ils ont. En Asie, au Laos, j’ai côtoyé des gens très pauvres mais très heureux, riches spirituellement et culturellement, satisfaits du peu qu’ils possédaient. Un beau matin, en plein cœur de l’Afrique de l’ouest, dans un tout petit village, un vieil homme m’a dit : « Le Bonheur, c’est mental ! ». Cela est resté gravé pour toujours dans ma mémoire et à la suite de cette rencontre, ma philosophie de la vie a beaucoup changé ! Je ne dis pas que de voir toute cette pauvreté en Inde et en Afrique m’a laissé indifférent mais en tentant de comprendre, plutôt que de raisonner à partir de mes bases culturelles (européennes), je n’ai jamais culpabilisé ou ne me suis attristé devant les faits. Toutefois, je suis tout à fait conscient que les pays développés le sont grâce aux ressources puisées dans tous les pays pauvres.

En arrivant au Caire, j’ai fait la connaissance d’un intellectuel égyptien dont les coordonnées m’avaient été données par des amis dijonnais ; il avait fait ses études de droit en France et était donc à même de bien appréhender les différences culturelles. Très rapidement, nous avons eu des discussions passionnées et enrichissantes, je me suis permis d’évoquer le fait que des familles nombreuses engendraient davantage de pauvreté. L’ami m’a expliqué très clairement que bien au contraire, pour un musulman, avoir beaucoup d’enfants est signe de richesse. Toutes ces rencontres m’ont énormément apporté, je vois la pauvreté d’un autre œil.

Eric Gay le 18 novembre 2010
 

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